Tabou, compliqué, gênant : la douleur chronique vient perturber la sexualité et s’installe souvent dans le couple pour imposer un ménage à 3.
Le sexe : encore plus tabou lorsqu’on est malade
Dans un des ses séminaires autour du désir et du plaisir, Fréderic Lenoir disait : « Quand 2 personnes font l’amour pour la première fois, il y a 8 personnes qui font l’amour avec elles : Les parents réciproques et les ex conjoints ».
Avec la douleur chronique, on peut dire qu’il y a un 9ème intrus qui vient s’incruster dans le lit conjugal !
Vous souffrez de douleur chronique, et vous avez déjà expérimenté largement tout le marathon médical, allant de diagnostics incertains en nouveaux thérapeutes. Vous savez à quel point il est difficile d’expliquer que oui, on souffre vraiment, que ce n’est pas dans la tête.
C’est compliqué de parler de la réalité de sa douleur au travail, à ses parents, à ses enfants, à ses amis, quand on est limité dans son corps, sinon épuisé physiquement ou psychologiquement. Et c’est encore plus difficile lorsque l’on aborde un sujet déjà délicat :
la sexualité.
Les médecins n’en parlent pas facilement. Leur spécialité c’est votre douleur, vos muscles, vos os, vos nerfs, votre cerveau. Sauf lorsque l’on a affaire à certains gynécologues ou bien sûr aux sexologues. Sinon, c’est l’évitement, la gêne, voire le tabou qui s’installe et on se tait la majorité du temps.
On parle déjà peu de sexualité dans son entourage, et encore moins avec son partenaire, dans certains cas. Alors aborder des histoires de positions douloureuses, d’odeurs, c’est juste impossible !
La douleur qui complique tout
Chaque type de douleur apporte des complications particulières dans la sexualité :
- si vous souffrez de douleurs lombaires, vous savez que toutes les positions ne vous sont plus confortables, et que la peur d’avoir mal peut vous couper toute envie de faire des galipettes
- les personnes fibromyalgiques ont parfois du mal à supporter d’être touchées, même caressées
- la sécheresse vaginale, causée parfois par les traitements, revient souvent chez les femmes atteintes de fibromyalgie ou d’endométriose
- les maladies digestives créent parfois des difficultés dans les rapports sexuels à cause de pertes ou d’odeurs
- la migraine n’est pas qu’un prétexte qui interdit toute forme de rapport sexuel.
Le désir de l’autre est brouillé. Cela peut tourner à une aversion d’être touché(e) ou de toucher l’autre. Très difficile d’en parler. Comment aborder le sujet ? La honte s’immisce, et il devient difficile de faire comme si de rien n’était … alors la douleur s’installe au milieu du couple et de ses relations les plus intimes : un ménage à trois déstabilisant !
Se réapproprier son corps
La maladie a abimé votre corps. Vous ne vous reconnaissez plus, parfois votre corps vous fait honte. Et pourtant la solution va passer par se réapproprier ce corps dégradé.
Comment faire alors ?
Petit à petit, vous allez réapprendre à vivre avec ce nouveau corps, cette nouvelle image. Vous allez travailler votre désir, pour vous d’abord !
Suis-je désirable ? Est-ce que je me désire ? Ai-je encore du désir pour mon partenaire ?
De quoi ai-je vraiment envie en ce moment ? Qu’est ce qui me ferait réellement plaisir malgré ma maladie et ma douleur ?
Je vous invite à cette rencontre du « nouveau vous » afin de vous réapproprier votre corps, votre parole, vos gestes, votre apparence, votre désir, et de le partager avec l’autre, jouer avec l’autre, retrouver une complicité des corps et du désir, retrouver votre couple, tenir la douleur en dehors du cercle intime d’une relation à deux.
Une expérience …
Dans un prochain post sur ce blog, je vous raconterai une de ces expériences de réappropriation du corps et comment une patiente a retrouvé désir, sexualité, et complicité dans son couple.
En attendant, vous pouvez nous apporter vos propres expériences, vos conseils, vos « trucs », sur ce site de la communauté en ligne « douleurs chroniques », pour que nous puissions tous partager, et tenir la douleur à sa place.
nancy-sebe.com
Voici le témoignage d’une patiente confrontée à sa sexualité durant ses douleurs chroniques :
« Mes récurrentes hémorragies qui me tombaient dessus sournoisement, accompagnées de douleurs violentes, ont réduit ma féminité et mon estime de moi-même à l’état végétatif !
De quel désir et de quel plaisir peut-on parler dans pareil cas?
Ils sont bien gentils les coachs de bien-être, quand ils m’invitent à me regarder dans le miroir pour me trouver au moins une qualité qui pourrait réveiller ma libido et mon envie d’avoir une activité sexuelle!
Pour être honnête, j’avoue quand-même que grâce à un traitement hormonal intensif, ma poitrine déjà généreuse avait encore pris du volume, tout en devenant on ne peut plus douloureuse rien qu’au contact du soutien gorge, et je ne parle même pas du calvaire des mammographies et autres palpations des médecins. Par conséquent, toucher érotique s’abstenir !
Il n’empêche que les exercices de coaching dans le domaine du bien-être me plongeaient souvent dans une profonde déprime, car j’ai oublié de rajouter que le fameux traitement hormonal m’avait fait prendre 35 kg.
Bonjour la sensualité, bonjour la femme fatale, divinement sculptée, avec son attirail de talons aiguilles, de porte-jarretelles et de jeux érotiques qui mettraient son partenaire à genoux, entre 2 crises d’hémorragie violente !
Dans mes fantasmes les plus délirants de cette époque difficile j’hésitais souvent entre devenir une navigatrice solitaire, pour voguer plusieurs mois en pleine mer, sans aucun contact avec les humains, sinon devenir une none exilée au fin fond du Sahara, où il se passerait des mois avant qu’une hasardeuse caravane de touaregs ne se rapproche de mon lieu de retraite.
Entre les fantasmes et la réalité, il y avait toujours un univers qui me ramenait à mon quotidien de citadine, mariée et en arrêt maladie de longue durée pour cause de douleurs chroniques.
Malgré cette douleur chronique, il m’arrivait parfois de vouloir jouer le jeu de l’épouse « bien portante », probablement par culpabilité envers mon conjoint qui subissait régulièrement mon calvaire. Je décidais alors de quitter mon lit, mon pyjama, et mes cheveux ébouriffés. Je fournissais l’effort de m’habiller, de me maquiller et de préparer le diner. Mais il suffisait que mon mari, à peine rentré du travail me dise : « Je te trouve en pleine forme aujourd’hui » pour que mon corps se crispe, car derrière le compliment j’entendais autre chose : « tu vas bien, alors nous allons pouvoir faire l’amour ce soir» ! C’est dire que les compliments étaient devenus aussi insupportables que les critiques.
Etait-ce la douleur chronique qui me crispait ? Etait-ce mon JE SUIS qui avait abandonné la partie avec les crises récurrentes? Où est-ce finalement ma relation au couple et à l’amour qui était devenue caduque à cause /grâce à ma douleur chronique ?
J’en étais arrivée à souhaiter une relation extraconjugale, au-delà de tout jugement moral, juste pour en avoir le cœur net, sauf que mon estime de moi-même avait déjà fermé la porte à toute tentative de conquête licite ou illicite.
Il m’a fallu tout un travail thérapeutique de plusieurs mois, afin de pouvoir mettre des mots sur les maux et redéfinir clairement ma relation au corps, au couple et à la sexualité. ».
Cette thérapie m’a permis de faire le ménage dans ma vie. J’ai fini par me séparer pacifiquement de mon mari tout en gardant avec lui de très bons rapports amicaux. J’ai aussi découvert une nouvelle facette de ma féminité et de ma sexualité que je ne soupçonnais pas à l’époque.
En résumé, je me sens bien aujourd’hui, car je peux dire enfin : JE SUIS ».